Napoléon Bonaparte a échoué dans sa tentative du siège de Saint-Jean-d'Acre. Pleins de rêves et d'ambitions (il aurait souhaité devenir Empereur d'Orient), il doit revenir à la triste réalité, et battre en retraite. Et l'opposition renaît, comme un mal incurable qui s'empare du corps de son armée ; et ce virus à un nom : l'Angleterre. Elle est toujours derrière les mauvais coups, et pousse les sultans de la région à prendre les armes. Malheureusement pour eux, les chefs arabes n'ont pas oublié la défaite du Mont Thabor (entre autres...) de leur égal et néanmoins adversaire, le pacha de Damas. Jusqu'à preuves du contraire, ils n'ont pas perdu la tête, et se contentent de jouer un rôle pacifiquement neutre. Mais c'est le pacha de Damas lui-même qui veut reprendre le combat. La haine qu 'ils vouent maintenant pour les français est incalculable, et il comptent chasser ces "infidèles" et mener à bien cette véritable croisade arabe...
Une flotte immense, anglaise bien sûr (il n'y a plus qu'eux dans le secteur), se ruent sur la presqu'île d'Aboukir, tenu par une petite garnison de trois cents hommes dirigés par le chef de bataillon Godart. Ce n'est pas moins de 15 000 hommes qui débarquent sur la plage et attaquent le pauvre bataillon oublié. Oublié, en effet, car Napoléon est présent mais ne bouge pas ! Il envoie trois cents autres hommes en soutien (pour faire bonnes figures devant des officiers atterrés de tant de calme devant une boucherie pareille), commandés par Marmont, qui se font battre à plat de coutures. N'oublions pas que ces hommes ont vécu un véritable martyr, se battant à un contre soixante. Les bateaux anglais, toujours dirigés d'une main de maître par l'infatigable Nelson, pilonne les positions françaises. Napoléon est cerné de toutes parts, et envoie des petits ordres inutiles qui ne changent rien à la situation. Bientôt, la presqu'île a changé de camp, les étendards turcs flottant sur les bastions pris aux français. Napoléon a envoyé ses ordres partout en Egypte pour rapatrier le plus de troupes possibles. Quand le gros de l'armée d'Egypte est là, il met en place son plan d'attaque : il place Lannes à sa droite, Kléber au centre, Desaix et Murat à gauche, et Davout derrière, en réserve. L'attaque est lancée le 25 juillet, à midi. Il place son artillerie et repousse les navires anglais de Nelson. L'appuis naval des Turcs du Pacha est détruit, et Bonaparte peut se préparer en toute tranquillité à refouler les Turcs. Mais leur résistance est inattendue, farouche à souhait. Desaix piétine, Murat n'ose pas trop charger, vu la mitraille qui s'abat au-dessus de sa tête. Puis survient un évènement totalement loufoque, dramatique surtout, mais qui va provoquer un véritable déclic dans l'armée d'Egypte. Quand Desaix est revenu plus près de Napoléon pour attendre d'autres directives, le pacha sort avec ces hommes et coupe les têtes des soldats français, morts ou vifs ! Une haine, que dis-je, une rage s'empart des français, qui, sans ordre, se ruent vers les bastions et les prennent à la baïonnette. Les cavaliers de Murat ne peuvent plus se retenir et chargent sans aucune crainte les hommes du Pacha. Mais le dernier fort, complètement au bout de la bande de terre, résiste farouchement et Lannes butte. Mais l'oeil du cavalier l'emporte sur les yeux de l'artilleur, et Murat trouve la faille, suivi de tous ces cavaliers. Il sabre tout ce qui bouge. Il parvient devant le pacha de Damas et lui coupe trois doigts, et lui lance : "Si tu refais ça à mes soldats, je te le jure par Allah, je te couperai d'autres choses plus importantes..." (nous vous laissons le soin de devinez de quoi il s'agit). Le pacha ne recommencera pas, car on ne se figure pas comme il est difficile d'écrire une lettre de rassemblement général avec deux doigts !
La bataille terrestre d'Aboukir est éclatante, et finit une campagne d'Egypte déjà épatante par une apothéose. Bonaparte a confirmé ses talents de stratège, mais il apparaît aussi qu'il suffit d'un choc émotionnel de son armée pour soudain avoir l'impression qu'elle double de volume...
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