"La Grande Armée" a été, au commencement, le nom générique donné par Napoléon pour désigner l'armée d'invasion de l'Angleterre basée à Boulogne (ce projet fut abandonné par l'anéantissement de la flotte française et espagnole à Trafalgar). Cette appellation s'est progressivement étendue au reste de l'armée et, malgré son apparence élogieuse et exagérée, elle n'est en aucun cas dépourvue de sens. En effet, le succès militaire impérial ne peut seulement se résumer qu'au génie stratégique de l'Empereur ; il résulte également d'une série de facteurs démontrant, à tous les niveaux, que "la Grande Armée" fut la meilleure formation de combat européenne pendant cette période...
[ Je désire, à travers cette section, rendre hommage à tous ceux qui ont combattu et qui ont donné leur vie pour la France car il ne faut jamais oublier les souffrances et les malheurs que ces hommes ont pu endurés. Longtemps et toujours dépeints comme des monstres, je me devais, le plus sincèrement du monde, d'effacer une telle injustice, ne serait-ce que pour leurs mémoires. Que gloire leur soit rendue ! ]
| | Facteurs d'ordre numérique
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L'armée napoléonienne a toujours tenté de maintenir ses effectifs au-delà d'un million de soldats (avec cent mille hommes de réserve) avant le désastre en Russie. Jamais les autres pays européens ne possédèrent ce nombre de militaires en même temps, et cela jusqu'en 1870 ! D'après les derniers chiffres en date, l'armée était constituée (en temps de conflit et à partir de 1804) :
| | | | | | - Infanterie - 1 500 000 soldats divisés en 8 corps d'armées :
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L'infanterie était le bras de l'armée le plus simple à lever et à équiper, donc il n'était pas surprenant qu'elle était le pilier centrale de l'armée napoléonienne. Habituellement, 3 hommes sur 4 étaient dans l'infanterie. Ils se battaient en rangs serrés, c'est-à-dire en file épaule à épaule, à dix centimètres les uns des autres. Ces masses n'étaient pas des cohues, mais plutôt très structurées et disciplinées. Ils leur étaient exigés de s'entraîner pour le combat plusieurs heures et même s'ils le pouvaient en quelques semaines. Ils leur prenaient plusieurs années avant d'atteindre un niveau d'expérience suffisant, en prenant pour acquis qu'il n'y aurait pas trop de pertes majeures en cours de route. Le bataillon était l'élément de base de manoeuvre de l'infanterie. Le bataillon se composait de 4 à 10 compagnies et on pouvait compter de 300 à 1200 hommes à la fois sur le champ de bataille, souvent dirigés par un chef de bataillon ou un lieutenant colonel. Un bataillon appartenait à un régiment mais faisait normalement partie d'une brigade, qui contenait de 2 à 6 bataillons. L'arme principale de l'infanterie était le mousquet "canon à lisse" au bout duquel on pouvait attacher une baïonnette. Certaines unités étaient équipées de fusil au milieu du canon à lisse. Cependant, le mousquet était l'arme préférée de l'infanterie pour sa facilité de rechargement. Recharger un mousquet était une procédure compliquée qui prenait environ 20 secondes. Le fusil, bien que plus long à charger, était beaucoup plus précis. Puisqu'un soldat de l'infanterie était plus dangereux avec un fusil chargé, celui qui pouvait charger et tirer souvent devenait une plus grande menace qu'un fusilier pouvant tirer de façon précise de loin mais qui prend beaucoup de temps à charger son arme. Pour compenser l'imprécision, un bataillon déchargeait ses armes dans une salve massive à une cible d'une distance de 200 mètres ou moins. Les soldats continuaient de tirer à une vitesse d'une ou deux cartouches par minute. Ils pouvaient tirer plus vite, mais les armes connaissaient souvent des ratés, et la fumée des tirs précédents cachait la cible. Un homme ne frappait peut-être pas sa cible, mais avec tous ces projectiles dans les airs il y en avait assez pour atteindre l'ennemi, le blesser physiquement et le démoraliser. La première salve était souvent la plus efficace car elle était chargée avec plus de soin et tirée avec moins d'interférence provenant de la fumée. Une telle salve devenait décisive si elle était lancée à courte distance, mais les unités inexpérimentées avaient tendance à tirer de trop loin, gaspillant leurs tirs. Chaque soldat transportait 50 à 60 cartouches de munition dans la bataille et pouvait se ré-alimenter durant les accalmies ou lorsqu'il se retirait de la réserve. Les tirs au mousquet causaient la majorité des accidents durant les batailles. La baïonnette était responsable de très peu d'accidents car dans un clan comme dans l'autre, on s'enfuit habituellement avant d'être trop près pour poignarder avec les baïonnettes. L'infanterie combattait dans différentes formations. Un bataillon de 600 hommes dans une formation de ligne avait normalement 3 rangs serrés de 200 hommes chaque. Souvent, le rang arrière ne pouvait pas tirer par dessus les rangs devant sans les mettre en danger, donc ils servaient à fermer les rangs (remplissant les fossés formés par les blessés ou les morts) ou laissaient passer au premier rang les mousquets chargés. Les Français déployaient parfois des brigades, ou divisions dans un ordre mixte, qui était une combinaison flexible qui plaçait certains bataillons en ligne et d'autres en colonnes. Pour se défendre contre la cavalerie, un bataillon d'infanterie formait un carré. Le bataillon se déployait en un rectangle vide au centre avec chaque face du carré comprenant 3 rangs (ou plus) faisant face à l'extérieure, présentant leurs baïonnettes. Les officiers et sergents donnaient les ordres à partir du centre. Le premier rang s'agenouillait avec la crosse de leur mousquet au sol. Moins de tirs de mousquet étaient effectués dans une formation en carré, mais les chevaux reculaient du mur de baïonnette, gardant le bataillon en sécurité contre une attaque de la cavalerie. Toutefois, un bataillon en carré était plus susceptible d'avoir des blessures venant de l'artillerie ennemie et ne pouvait avancer que très lentement.
A l'intérieur de la catégorie d'infanterie, on trouvait différents types : ligne, léger et grenadier. L'infanterie de ligne représentait le type standard et se trouvait en grand nombre. En comparaison, l'infanterie légère était spécialisée et élitiste. Leurs fonctions majeures dans une bataille étaient l'escarmouche, la reconnaissance et la garde arrière, et l'infanterie légère se vantait de tirer la première et la dernière dans tout engagement. Dans les commandes d'escarmouches, les soldats ne se tenaient pas côte à côte mais se dispersaient et s'accroupissaient ou se couchaient en essayant délibérément de toucher leur ennemis. Pour cette raison, ils se fiaient énormément sur l'initiative individuelle ou de groupe. Les unités de grenadiers étaient aussi considérées comme des élites mais pour des raisons différentes. Les soldats de grandes statures devenaient des grenadiers, même si ils étaient épargnés des tâches mondaines données aux lignes d'infanterie, ils étaient souvent choisis pour diriger un assaut parce que leur grandeur leur donnait un avantage dans les combats des quartiers proches.
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